Un film britannique
Sarmad Masud, le talentueux réalisateur de ce film est britannique, né de parents pakistanais. Il a réalisé plusieurs films et séries depuis 2009, notamment pour la télévision.
My pure land est son premier long métrage de cinéma.
Sarmad Masud en 2017 |
Il fait le choix de tourner son film au Pakistan, pays réputé difficile et qu'il connaît peu. Le tournage s'est fait à Lahore, où il a des attaches familiales, dans des conditions cahotiques (retard des acteurs, matériel manquant, météo peu conciliante, fusillade impromptue etc).
Un entretien donné au Guardian ici où il évoque notamment les conditions du tournage.
Fiche technique
Titre : My pure land
Traduction : Mon pays pur (alors que le nom-même du Pakistan signifie "le pays des purs")
Année : 2017
Durée : 1h32
Les dialogues du film sont en ourdou. C'est le versant arabo-persan de la langue hindi, adopté comme langue principale au Pakistan, et parlé par environ 50 millions d'indiens. Son alphabet est arabe.
Box office
(environ, en raison des arrondis et des taux de change entre roupies, dollars et euros)
Budget : inconnu (mais modeste, et surtout composé de la participation des amis et de la famille)
Recette : environ 16 000 euros
L'histoire en deux mots
Le scénario s'inspire d'un épisode marquant de la vie de la jeune Nazo Dharejo, surnommée "la femme la plus courageuse du Sindh". Cet épisode raconté dans la presse a fait d'elle une figure emblématique célébrée dans la région du Sindh.
Carte du Sindh |
Après l'arrestation arbitraire du père et du frère de Nazo, l'oncle décide de s'approprier la ferme et les terres de la famille. Il a pour lui une police corrompue et une justice incompétente (les questions d'héritage sont souvent laissées en suspens).
La jeune Nazo, alors âgée de 18 ans, va prendre les armes, entrainant dans sa résistance sa mère et sa sœur, afin de défendre leur terre, en repoussant les 200 mercenaires engagés par son oncle. Elle suit la voie que lui a tracée son père, ne pas se soumettre, même si l'on est une femme.
La mère |
Un western féministe
Ici pas de danses, pas de chants, mais un film d'une grande beauté, qui rend hommage au courage de ces femmes qui osent faire face aux hommes, dans la société diablement patriarcale qu'est le monde indo-pakistanais. C'est le portrait aride d'une femme exemplaire, défiant les conventions dans un pays où les femmes sont encore très dominées (nombreux cas d'infanticides féminins, restrictions dans leurs déplacements et leur vie publique, mariage imposé - la liste est longue).
Une pensée pour Qandeel Baloch, la jeune penjabi assassinée en 2016 par son frère pour avoir osé avoir une vie publique sur les réseaux sociaux (article dans le Guardian ici).
Un monde d'hommes (l'oncle cupide) |
Dans cette région isolée du Pakistan qu'est le Sindh, on convoite toute terre et c'est à la carabine qu'on règle les différends de famille. A fortiori les questions d'honneur, et c'est bien l'amour-propre de l'oncle et son autorité qui sont mis à mal.
Les acteurs sont tous formidables, fruit d'un casting exigent et long, et notamment la jeune actrice Suhaee Abro, venue de Karachi.
Nazo et sa kalachnikov |
Des maladresses de montage
La construction en flash-backs donne une dynamique intéressante au film, même si la scène du siège de la propriété perd en intensité. C'est bien excusable pour un premier film par ailleurs réussi dans ses autres aspects : la lumière, le choix et la direction des acteurs, les dialogues, le scénario.
Un film dur mais optimiste
La vitalité, la confiance en soi. Ne pas avoir peur.
Le film rend justice et hommage aux belles âmes, ouvrant un peu d'espoir, une possible respiration.
Il rappelle que les filles sont négligées. Nazo et sa sœur Saeda sont privilégiées car leur père les a aimées et respectées, leur donnant une éducation (un peu d'anglais, le maniement du fusil) et une place. Cela leur permet de devenir fortes, aussi fortes que les hommes venus leur prendre leur terre.
C'est en creux le portrait d'un père exemplaire.
Un des flash-backs du film |