Une des affiches du film Gully boy |
Un film de femme
La réalisatrice Zoya Akhtar (née en 1974), est la fille de Javed Akhtar le poète, parolier et scénariste, et soeur jumelle de Farhan Akhtar, acteur et réalisateur.
Différentes affiches du film |
Titre : Gully boy
Traduction : "Garçon de la rue"
Année : 2019
Durée : 2h33
Box office
Budget : 1 million d'euros
Recette : 3,2 millions d'euros
Les acteurs
Une très belle distribution d'acteurs pour interpréter deux générations de personnages.
Les trois rôles principaux sont tenus par Ranveer Singh (né en 1985), Ali Bhatt et Siddhant Chaturvedi tous deux nés en 1993, et qu'on espère voir encore souvent dans des rôles intéressants.
La génération des parents couvre de très bonnes trognes, du père de Murad à la mère de Safeena.
Ils sont tous très bien dirigés, sans excès dans l’expression des sentiments, justes dans leur jeu. Rien de ridicule, et ce n'est pas toujours comme ça dans les films indiens qui en font des tonnes, ou bien pas du tout.
Ranveer Singh |
Alia Bhatt |
Siddhant Chaturvedi |
Le pouls d’une ville
Le film décrit la vie urbaine de Dharavi, le grand bidonville de Bombay. Il explore les petits méfaits et la débrouillardise d’un monde interlope souvent condamné par avance. La question de la mobilité sociale est sans cesse remise sur la table, ainsi que le grand fantasme d'un emploi de bureau qui sauverait de la grande précarité. On y montre des enfants livrés à eux mêmes.
Le bidon-ville Dharavi slum à Bombay |
Comment arriver à faire des études, comment décrocher un travail autre qu’en bas de l’échelle ?
Le contraste social s'étale de manière scandaleuse entre la misère des petites vies, et le luxe indécent des classes privilégiées (représentées par des personnages positifs et négatifs dans les deux cas).
Portrait familial multiple
Les liens familiaux sont tendus entre des parents abusifs ou dépassés (Murad et son père, Safeena et sa mère, Sher et sa famille), et leurs enfants pleins d’aspiration ; tendus également entre les parents eux-mêmes : conflits conjugaux, rapports de force entre frère et soeur, misogynie patriarcale plus ou moins latente.
Murad et son père |
La place de la femme n'y est pas enviable, surtout par contraste avec
la grande liberté des femmes occidentales ou occidentalisées que
représentent à la fois la petite amie de Sher et la productrice Sky.
Kalki Koechlin dans le rôle de la productrice Sky |
Ce film de femme porte un regard indulgent sur les personnages, avec une attention aux bonnes volontés, quelquefois perdues dans les activités louches (l'ami Moeen et son trafic de drogues, les enfants abandonnés qu'il recueille).
Vijay Varma dans le rôle de Moeen |
Les dialogues font attention à souligner le combat des plus vulnérables : petites gens et femmes : une virée nocturne repeint les modèles rachitiques d'affiches de mode qui poussent à une consommation malsaine, Safeena lutte pour repousser le mariage qui l'empêchera de terminer ses études de médecine et de devenir le chirurgien qu'elle souhaite devenir.
Le film évoque également la très discutable situation des secondes épouses, dans un contexte musulman très prégnant, comme le montrent plusieurs scènes de prière à la mosquée.
Scène de prière |
Musique et chansons
Tous les thèmes du film sont repris de manière indirecte et souvent judicieuse dans les textes des chansons, qui ont une couleur autobiographique pour le personnage de Murad. Les chansons ont été écrites de manière collaborative par le rappeur Divine et Javad Akhtar.
Le scénario scrute dans ses détails le processus d’écriture et le pas à franchir pour accéder à une expression publique de soi. Pourrait-on y déceler un discret hommage à deux reprises au très réussi Begin Again de John Carney ("traduit" en France par New York Melody), par les quelques notes introductives de certaines scènes ? Begin again explorait le même thème de la composition et de l'écriture.
Le film inclut plusieurs joutes verbales extrêmement réussies, dans une belle lumière et une ambiance de squat, ainsi que des poèmes de Javed Akhtar, lus avec lenteur et bonheur.
Le titre phare charrie tout l'espoir possible, Apna Time Aayega (Ton temps viendra).
Pour conclure
En somme tout y est bon, le choix et la direction des acteurs, un scénario ramifié qui va droit au but, une bande son impeccable (même quand on n'aime pas le rap), un morceau vivant d'une ville en plein vibration.