Swades, we the people

Affiche principale du film

Gowariker et les Oscars

Conquérir l’Amérique et accéder à une nomination aux Oscars n’est pas fréquent à Bollywood : il y eut Mother India de Mehboob Khan en 1957, Salaam Bombay de Mira Nair trente ans plus tard, et puis Ashutosh Gowariker avec Lagaan en 2001. 

Autant dire que le film suivant d’Ashutosh Gowariker était attendu avec impatience. Ce fut Swades. Pour les amateurs français de Bollywood, les sorties en salle en France sont suffisamment rares pour ne pas se précipiter pour une formule gagnante : Gowariker + Shah Rukh Khan + tous les excès d’un cinéma décomplexé = 3h30 de bonheur.

Affiches secondaires

Né en 1964, il commence sa carrière comme acteur. Sa filmographie comporte neuf films, dont le magnifique Jodhaa Akbar :

Panipat (2019)

Mohenjo Daro (2016)

Khelein Hum Jee Jaan Sey (2010)

What's Your Raashee?  (2009)

Jodhaa Akbar (2008)

Swades : Nous, le peuple (2004)

Lagaan (2001)

Baazi (1995)

Pehla Nasha (1993)

Fiche technique

Titre : Swades, we the people                                                                  स्वदेस en hindi

Traduction : Swades, c’est son pays à soi, comme on dit « home » en anglais (-des/desh comme dans Bangladesh, le pays des Banglas)

Presque : Notre pays, nous qui sommes le peuple

Année : 2019

Durée : 2h15

Un beau succès 

(environ, en raison des arrondis et des taux de change entre roupies, dollars et euros)

Budget : 3 millions d'euros
Recette :  5,
3 millions d'euros

 Source wikipedia

L'histoire en deux mots

Ingénieur indien à la NASA, Mohan a tout ce dont il peut rêver : un travail de rêve, une belle voiture, la nationalité américaine sous peu… mais il se sent seul depuis le décès de ses parents et il a mauvaise conscience d’avoir délaissé sa vieille nourrice. Il retourne en Inde la chercher. Son séjour au fin fond de l’Inde le transformera.

Le grand Shah Rukh Khan

Shah Rukh Khan très en forme, entre tristesse, assurance, séduction, dans ce film décidément émotionnel. Les bras grands ouverts pour y accueillir le monde. Il apporte le savoir, le progrès, la justice et l’amour, rien de moins.

Mohan aux prises avec sa conscience

Toujours le même héros sans reproche, il a du mal à conférer un peu d’ambiguïté à son personnage, qui malgré tout se métamorphose au fil du film jusqu’à l’épiphanie (précisément au moment de son retour en bateau). Sa façon de s’habiller change, il quitte la chemise pour des vêtements traditionnels. Son sommeil, son alimentation évoluent, et il finira même par oublier son emblématique bouteille d’eau.

La femme

C’est une certaine Gayatri Joshi qui lui donne la réplique, dans le rôle de Geeta. Mannequin, ce fut là son premier et dernier rôle au cinéma. Elle n’est pas fantastiquement séduisante, joue du mieux qu’elle peut, danse bien… et reste très oubliable. 

Gayatri Joshi en sari bleu

On ne peut pas vraiment dire que le scénario lui offre le rôle idéal : elle occupe un second rôle un peu démonstratif. Orpheline (comme lui), elle est la forte en maths un peu parodique. Son éducation lui permet d’être l’institutrice du village : elle se dévoue pour porter la bonne parole (les livres, le savoir) et accueillir le plus d’enfants possible au sein de l’école.

Elle en vient même à refuser le mariage qu'on lui propose, pour se consacrer à son travail.

Une constellation de personnages

Ce film fleuve s’appuie sur les personnages secondaires attachants que sont les villageois.

La vieille nourrice Kaveri Amma interprétée par Kishori Ballal.

La nourrice et l'enfant devenu grand

Rajesh Vivek qu'on avait déjà vu avec panache dans Lagaan joue le postier. 

Mela Ram interprété par Daya Shankar Pandey, abandonne ses rêves d'Amérique.

Une idée du progrès

En exergue du film, une citation de Gandhi :

Hesitating to act because the whole vision might not be achieved, or because others do not yet share it, is an attitude that only hinders progres

Mahatma Gandhi

Hésiter à agir parce que la vision globale pourrait ne pas être réalisée, ou parce que d'autres ne la partagent pas encore, est une attitude qui ne fait qu'entraver le progrès.

Cet exergue révèle un optimisme un peu suspect : l’homme est bon, et sa volonté permettra à l’Inde de surmonter ses difficultés techniques, ses préjugés et les nombreuses injustices sociales. Quid des politiques publiques ? On nous fait l’éloge du progrès en douceur, servi par une didactique un peu lourde, dans un conte de fée qui ne va pas suffire.

Une didactique facile

Le portrait qui est fait du village en particulier et de l’Inde en général, de Delhi à Charanpur, a bien des airs d’image d’Epinal : le bon fonctionnement du panchayat (gouvernement local des villages), les femmes aux tenues colorées dans les champs, la végétation fleurie, le sadhu jovial et sympathique, les rivières enchanteresses, les tissus sèchant au soleil, le bucher funèbre, le club de lutte, la fête de dussehra, les agréables voyages en train… 

Voyage en train, avec Mela Ram

On essaie de nous faire croire que l’Inde un pays unique, ce dont on ne doute pas, mais qu’il est le meilleur, grâce à sa culture et ses traditions, et là, cela devient beaucoup plus compliqué à avaler. 

Il est un peu question - mais de manière extrêmement adoucie – du mariage des enfants, des mariages arrangés, du rôle minimisé de la femme, des divisions infranchissables entre les castes, de l’exclusion des intouchables... Pas du tout du contrôle des naissances. Avec tout cela il y a moyen de faire un film dur et contestataire dont nous sommes à mille lieues. A la place nous assistons à une sobre romance.

Entre mauvaise conscience et chantage affectif

Le retour de Mohan est célébré comme une évidence. Mais pourquoi faudrait-il donc que les indiens de la diaspora viennent revivre en Inde pour y donner leurs compétences, dans un dévouement sacrificiel ? En quoi l’attachement à la terre et aux traditions doit-il prendre le pas sur le reste et constituer un devoir moral ? 

Il est impossible d’être du côté du progrès tout en chantant les traditions. Et pourquoi faire rêver les communautés les plus reculées de l’Inde avec à l’écran d’étincelants vaisseaux spatiaux de la NASA ? Espérons qu’il ne s’agit pas de leur faire croire qu’avec un peu d’entraide, on arrivera à faire aussi bien que l’Amérique…

Ne gâchons pas notre plaisir

Malgré ces (gros) défauts de fond, le film est ample et mélodieux. C’est TOUJOURS un plaisir de voir Shah Rukh Khan faire son numéro. Le scenario est d’une rigueur irréprochable, rythmé avec élan. Ce cinéma décomplexé nous offre des séquences enivrantes : la folie de cette projection en plein air et sa démonstration astronomique improbable, l’érotique scène du dhoti (plus qu’inattendue, et très drôle). 

Une scène à sous-entendu sexuel, très rare à Bollywood

6 chansons

La chanson accompagne le voyage en van de Mohan en compagnie du sadhu.

Un compagnon de voyage
  • Yeh Taara Woh Taara

Chanson un peu béate mais très agréable, pendant la projection en plein air.

  • Saanwariya Saanwariya

Voyage train, bateau, bus, puis retour...

  • Aahista Aahista

  • Pal Pal Hai Bhaari

Le spectacle théatral enchâssé dans le fim est particulièrement réussi. On y rencontre quelques divinités cachées, et on assiste à la seule danse de Gayatri, la belle institutrice (pour tout le film). Ce sont sept minutes enchanteresses.


    • Yeh Jo Des Hai Tera

    C'est le retour aux Etats Unis, et les souvenirs obsédants, pour Mohan.

    Mohan et son collègue et ami de la NASA

    Bande annonce

    Et la bande annonce pour vous donner envie.