Affiche principale du film |
Yash Chopra : un vétéran du cinéma
Yash Chopra a participé à la fin de l'âge d'or du cinéma indien dans les années 50. Né en 1932, il réalise son premier film en 1959. Il en aura réalisés plus d'une vingtaine, jusqu'à son décès en 2012. Veer-Zaara est son avant-dernier film, sorti longtemps après l'amusante comédie Dil to pagal hai (1997).
Né à Lahore, aujourd'hui au Pakistan, il met ici en scène des tensions indo-pakistanaises ancrées dans son enfance et son parcours.
Sa participation au cinéma de Bollywood se perpétue : sa maison de production, Yash Raj Films, constituée en 1970, est aujourd'hui dirigée par son fils, le cinéaste Aditya Chopra (né en 1971).
Fiche technique
Titre : Veer-Zaara En hindi वीर-ज़ारा
Traduction : Veer et Zaara, les deux prénoms des protagonistes
Réalisateur et producteur : Yash Chopra
Année : 2004, avec une sortie en France, ce qui est plutôt inhabituel pour le cinéma de Bollywood, on ne le soulignera jamais assez
Durée : 3h12
Box office
(environ, en raison des arrondis et des taux de change entre roupies, dollars et euros)
Budget : 2,5 millions euros
Recette : 12 millions euros
en Inde : 7 millions euros
ailleurs : 5 millions euros
Une saga amoureuse
Où il est question de séparation, de sacrifice, de dignité. Le film n'est pas à proprement parler réaliste, mais lorgne vers de vrais sujets, ce qui est souvent le cas de Bollywood dans le nouvel âge d'or qu'il connait depuis trente ans.
Veer Pratap Singh, jeune pilote indien, sauve Zaara Hayaat Khan, jeune pakistanaise issue d'une famille sikh de Lahore (au Pakistan donc), venue répandre les cendres de sa nourrice dans la ville sainte de Kiratpur (en Inde). Des péripéties (voir le film) l'amènent à être emprisonné au Pakistan. C'est au bout de vingt-deux ans d'emprisonnement que Saamiya Siddiqui, une jeune avocate pakistanaise, s'intéresse à son silence et son histoire et se bat pour faire libérer le prisonnier numéro 786 qu'il est devenu.
22 ans plus tard, avec son avocate |
Une distribution inégale
En face d'un Shah Rukh Khan égal à lui-même (énergie, magnétisme, singularité), Preity Zinta (célèbre pour sa fossette) peine à donner le change. Sa carrière n'a fait que décliner depuis dix ans, participant à des films de qualité de plus en plus inégale.
Preity Zinta dans le rôle de Zaara |
Par contre, Rani Mukerji force le respect dans le rôle de l'avocate, qui défend sa cause de femme désirant accéder à des fonctions professionnelles dignes de ce nom, tout en prenant partie pour ce prisonnier énigmatique. Elle joue sur la corde entre retenue compacte et émotion libérée.
Pour ce qui est de la génération des parents des personnages, c'est Kirron Kher et Boman Irani (rare dans un rôle qui ne soit pas grossièrement comique) qui incarnent la mère et le père de Zaara. Le mythique Amitabh Bachchan joue et sujoue l'oncle de Veer.
L'amie Shabbo est un personnage réjouissant et réussi, et c'est dommage qu'on n'ait pas vraiment revu l'actrice Divya Dutta dans d'autres interprétations.
Panser les blessures de la partition
En arrière-plan très net de l'impossible histoire d'amour entre Veer et Zaara, c'est de l'amour du pays qu'il s'agit. Yash Chopra né avant la partition de 1947, et de l'autre côté de la frontière, chante son amour d'un pays malheureusement écartelé en deux états distincts, avec deux religions en fers de lance, allant dans des directions opposées.
L'insouciance |
C'est ici l'Inde qui "sauve" le Pakistan (Veer sauve Zaara), et on aurait du mal à concevoir un film indien qui dirait l'inverse, a fortiori dans le contexte de nationalisme extrémiste de ces dernières années.
Naïvement, c'est bien ce qu'évoque la chanson Aisa des hai mera (tel est mon pays, côté indien et côté pakistanais), tentant une improbable réconciliation en niant des frontières bien tangibles (voir également le film Dil bole hadippa! qui aborde le même sujet).
Parmi les autres thèmes abordés :
l'affirmation de l'amour filial pour la famille en général, que ce soit les parents, les conjoints, les enfants.
le respect sacré pour l'honneur et la tradition (nous ne sommes pas ici sur le versant le plus progressiste du cinéma de Bollywood)
la défense du droit de chacun à vivre libre (mise en cause d'un système judiciaire arbitraire avec en filigrane la question de la corruption).
Rôle des femmes
C'est toujours une vraie question dans le cinéma de Bollywood. Si l'avocate peut accéder à un métier et une liberté professionnelle et personnelle, Zaara en semble loin. Il n'est question que de la marier. En début de film elle est vulnérable en partant seule, et c'est le jeune militaire indien qui garantit sa sécurité et son honneur. A quand un film où le jeune homme se trouve sauvé par une jeune femme ? L'avocate "sauve" finalement Veer en retour, est-ce le début de quelque chose ?
Sauvetage et coup de foudre |
Des chansons magiques
Les chansons de la bande-son ne vieillissent redoutablement pas, interprétées par la triade gagnante : Lata Mangeshkar, Udit Narayan, Sonu Nigam. Parmi la dizaine de chansons du film, retenons :
Main yahaan hoon (Traduction : "C'est ici que je suis"), avec une sensualité inattendue, lors d'une fête pakistanaise de fiançailles
Aisa Des Hai Mera (sept minutes de bonheur et le plaisir répété d'une Inde de carte postale)
Lodi : un moment festif rituel
Do pal, séparation au ralenti sur un quai de gare (avec des aveux sensuels et oniriques).
Les chansons ont été créées d'après les compositions anciennes d'un certain Madan Mohan, compositeur des années 1950, sur les paroles du brillant Javed Akhtar.
Le plaisir de l'exotisme
Même si le propos est simpliste, et l'histoire d'amour un peu fatiguée, la flamboyance du film fait oublier les aspects un peu appuyés de l'image et du cadre, ainsi que des costumes occidentaux qui ont mal vieilli. Les chorégraphies sont un grand rêve, et la musique irréprochablement entrainante.
C'est de surcroit un bel hommage à une Lahore somptueuse, et à un Penjab pakistanais peu connu, malgré un héritage architectural d'une richesse inouïe. Un vrai voyage. Les lieux de tournage nous font partager l'immense et méconnu patrimoine de cette région du nord de l'Inde.
On peut notamment y contempler la majestueuse mosquée Qila-i-Kuhna de Delhi (construite au XVIe siècle).
Mosquée Qila-i-Kuhna à Delhi |
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